Florence Monferran, historienne et vigneronne entre Sète et Montpellier a participé au grand jury qui a désigné les 63 cuvées Ambassadrices des Pays d’Oc IGP pour la saison Printemps-Été 2024. Elle nous fait vivre de l’intérieur son expérience en tant que jurée et ses réflexions quant à cet univers du vin en pleine mutation du fait du changement climatique et des modes de consommation.
« J’ai mis longtemps à participer à des jurys de dégustation. Quelle difficulté à juger, trancher, éliminer, quand on connaît le prix de l’effort vigneron à conduire le raisin jusque dans nos verres. Quel côté aléatoire à la désignation des élus. Non le fruit du hasard, car chaque jury a été choisi pour ses compétences de dégustateur, mais d’une conjonction d’évènements : un compromis entre jurés, un coup de cœur ardemment défendu par l’un emporte la décision de tous, ou au contraire l’unanimité tacite, évidente.
Je défends, au-delà de leurs qualités techniques ou organoleptiques, ce que Gaby Benicio, sommelière de l’Äponem dans l’Hérault, nomme « des vins d’émotion ». Alors, ce fut un véritable plaisir de participer au jury de la Collection Pays d’Oc IGP, et un bonheur de baigner dans une ambiance de travail, de convivialité, de culture du vin et de ses membres, ardents promoteurs des vins d’Occitanie.
De plus en plus, l’IGP pays d’Oc affirme son ancrage dans ses terres de prédilection, en même temps que sa liberté d’expression de 58 cépages, inscrits à son cahier des charges et dans ses gènes. Une liberté qui va jusqu’à autoriser des variétés anciennes ressurgies, des étrangers, de nouveaux résistants, tout comme elle permet la désalcoolisation partielle des vins de ses adhérents. Ainsi, elle s’adapte avec souplesse et réactivité aux dérèglements climatiques qui élèvent les degrés alcooliques et provoquent de sévères sécheresses.
Parmi ces 63 cuvées sélectionnées – quel score ! (20 % des échantillons) -, trois, une dans chaque couleur symbolisent pour moi cette double volonté d’attachement au pays d’Oc et de réaction aux bouleversements qu’il vit. » Florence Monferran
Une Collection Pays d’Oc IGP cousue main (article Florence Monferran)
320 échantillons de vins envoyés de tout le Languedoc ont été dégustés les 12 et 13 mars dernier au Domaine de Manse à Montpellier. Un grand jury de 19 œnologues, journalistes, chefs, sommeliers, cavistes a désigné 63 cuvées comme Ambassadrices des Pays d’Oc IGP pour la saison Printemps-Été 2024. En effet, la Collection, comme en haute-couture, distingue des vins en deux temps dans l’année. S’adaptant à des modes de consommation différents selon les saisons, elle propose des vins charpentés, dans le gras l’hiver, et plus frais l’été, blancs et rosés en tête, mais aussi des rouges légers, faciles à rafraîchir.
Un cépage portugais en vedette
L’alvarinho (albariño en espagnol) nous vient du Portugal. Cépage principal de la région du vinho verde, il en porte quelques 700 ans d’histoire viticole.
Déjà dégusté en Pays d’Oc à l’automne dernier, il confirme là toute la réussite de son implantation en Languedoc à travers deux cuvées distinguées : Sillages, des Vignobles Foncalieu, dans l’Aude, à la qualité constante, dans la maîtrise, et La Grande Courtade 2022. Certifié vin biologique, ce vin de pionniers du bio en Languedoc, la famille Fabre à Luc-sur-Orbieu (Aude), présente une robe claire, un nez vif, puissant, de citron confit. Équilibré en bouche, tendu, subtil, épicé, il démontre qu’un blanc du sud peut conserver toute sa fraîcheur dans le temps.
L’alvarinho séduit de plus en plus. Il s’exporte même aux États-Unis et dans l’hémisphère sud.
Un muscat, oui, mais rosé
Je n’ai pas d’appétence pour le vin rosé. Pourtant, une cuvée a emporté mon enthousiasme par son originalité, sa robe saumon intense, son nez de fruits exotiques et son gras en bouche. A l’aveugle, mon coup de cœur est allé vers un muscat … de Hambourg 2023. Un autre muscat que le petit grain, qui participe à cultiver des goûts différents recherchés ici.
Ce raisin de table est parfois vinifié. Il a même été le premier vin élaboré au Domaine Les Yeuses à Mèze (Hérault). Sylvain Dardé a conservé les parcelles de sa grand-mère pour élaborer son Rosé muscaté.
Le travail de fourmi de vignerons attachés à leur histoire familiale ne sera jamais assez loué, qui a préservé un pan de nos patrimoines viticoles des arrachages massifs en Languedoc.
Le rouge devient plus léger
Les impératifs de choisir de rouges adaptés aux chaleurs estivales – c’est tout l’intérêt de présenter des Ambassadeurs saisonniers – ont trouvé une expression délicate et gourmande dans la cuvée Ex Arena 2022 du Domaine de Cébène. En vin biologique, 85% grenache, et 15 % mourvèdre. Brigitte Chevalier cultive sa différence, en vin biologiques, sur des vignes en terrasses à Faugères, (Hérault). En vin biologique, 85% grenache, et 15 % mourvèdre. Brigitte Chevalier cultive sa différence, en vin biologiques, sur des vignes en terrasses à Faugères. Ici, pas de schistes, mais des sables rouges, les « arènes » lui donnent l’occasion d’exprimer, sur une robe framboise clair, épices douces et fruits rouges réunis, tant la finesse que l’équilibre de son travail.
La Collection Pays d’Oc IGP poursuit son chemin à travers terroirs sans complexes, cépages – c’est sa marque – et une inventivité des vignerons qu’elle démontre par ses choix.
Retrouvez ici l’article original sur le site Les Clos de Miège