A l’occasion du salon Millésime Bio, Gérard Bertrand, premier producteur en France pour les vins bio et premier dans le monde pour la biodynamie, explique pourquoi et comment il encourage la conversion en agriculture biologique…
Vous êtes pionnier en matière de viticulture bio depuis plus de 20 ans, quelles sont les raisons qui vous ont incité très tôt à prendre ce virage ?
Convaincu qu’une agriculture en harmonie avec la nature est la meilleure voie pour porter les vins à leur plus haut niveau, nous avons décidé il y a presque 20 ans de convertir nos domaines à la pratique de la biodynamie. Conduite dans le respect de la certification DEMETER, la biodynamie est aujourd’hui pratiquée sur l’ensemble des 15 châteaux et domaines. Aucun usage de produit chimique dans la vigne, mais des tisanes de plantes et de silice préparées sur place par les vignerons sont diffusées sur les vignes pour stimuler leur métabolisme.
Comment percevez-vous les évolutions de comportement des consommateurs aujourd’hui et quelles sont selon vous leurs attentes ?
Il y a une réelle prise de conscience des consommateurs et ils sont de plus en plus nombreux à rallier cet élan vers le bio. C’est très encourageant, il faut poursuivre la sensibilisation à la cause environnementale afin que la demande de vins bio ne cesse d’augmenter et que les consommateurs poursuivent cet acte citoyen. Il y a une demande croissante en vins biologiques et biodynamiques. Non seulement en France mais nous constatons également des besoins affirmés sur le marché international : L’Allemagne, le nord de l’Europe et l’Amérique du Nord notamment.
Propriétaire et négociant en Languedoc, Gérard Bertrand est leader dans la distribution nationale des vins bio. Sa gamme baptisée « Autrement » représentait, en 2012, les deux tiers des vins de marques vendues sous le label bio par la grande distribution. Créée en 2007 et dédiée exclusivement à ce circuit, « Autrement » désigne des vins issus de partenariats avec des viticulteurs travaillant en bio. Bien engagé sur cette voie alternative, y compris dans ses propres domaines, Gérard Bertrand lui consacre près du quart de ses activités. Cette démarche s’accompagne d’autres mesures respectueuses de l’environnement : étiquettes en papier recyclé, bouchons de liège naturel, emballages en carton brut sans impression avec des encres couleurs… C’est tout le schéma global de production qui vise à limiter l’empreinte carbone.
Le logo CAB, mis en place l’année dernière, est un des éléments de réponse, vous faites d’ailleurs partie de ceux qui le portent et le défendent. De quoi s’agit-il exactement ?
Le label CAB est un label de transition, réservé pour l’instant aux vins d’Occitanie. Il permet aux consommateurs d’identifier les vins issus de vignobles respectant le cahier des charges de la certification AB, en deuxième et troisième année de conversion vers une agriculture biologique. Ce label valorise les producteurs qui s’engagent vers la certification AB. Cette conversion nécessite de la patience, une nouvelle organisation et un nouveau modèle économique. Ce soutien favorise le développement d’une viticulture respectueuse de l’environnement.
Comment encouragez-vous les producteurs à s’orienter vers ce label ?
Nous avons mis en place des partenariats pluriannuels avec des viticulteurs en conversion pour leur apporter un accompagnement technique, organisationnel et économique pour la réalisation de leur projet, afin de lever les freins que rencontrent les vignerons lors de cette conversion. Ce modèle de partenariat pluriannuel s’étend sur 10 ans (couvrant les 3 années de conversion vers l’agriculture biologique et les 7 premières années après l’obtention du label AB). En 2019, nous avons accompagné 40 exploitations qui couvrent environ 1 300 ha de vignes en conversion.
En tant que détecteur de nouvelles tendances et marchés, quelles sont les nouvelles orientations que vous mettez en place dès à présent ?
Préserver l’environnement reste au cœur de nos préoccupations. En 2019, nous avons converti l’ensemble de nos domaines à l’agriculture en biodynamie. D’ici 2023, l’ensemble des parcelles auront achevé leur conversion vers la certification DEMETER. Au fil des années, nous avons développé une expertise en matière de conversion et de certification. Nous accompagnons les vignerons de la région sur différentes labellisations et soutenons la préservation de notre biodiversité, avec les labels CAB, AB, Vegan, Sans Sulfite et Bee Friendly (ami des abeilles).
Quels sont, selon vous, les enjeux pour la viticulture de la région Occitanie face au changement climatique ?
Notre région réunit tous les atouts nous permettant de lutter face au changement climatique. L’Occitanie est le plus grand vignoble bio de France, avec 34 827 hectares de vignes certifiées ou en conversion vers le bio. Elle représente à elle seule 36% du vignoble bio français et 7% du vignoble bio mondial. Notre région réunit tous les facteurs favorables à la viticulture bio : l’exposition géographique, le climat méditerranéen (chaud et venté) et la vaste variété de cépages résistants permettent de lutter plus facilement contre les présences parasitaires dans les vignes. C’est notre responsabilité en tant que vigneron d’agir en faveur de notre biodiversité. Avec tous ses atouts et le savoir-faire des acteurs locaux, notre région a le potentiel de se hisser à la tête du vignoble bio mondial.
Gérard Bertrand réalise aujourd’hui un chiffre d’affaire de 105 millions d’euros. Il emploie 300 salariés, dont 70 commerciaux, et ne cesse d’embaucher. Il compte acheter d’autres domaines, et doubler de taille de son vignoble en cinq ans (920 hectares en 2019).