Miren de Lorgeril, présidente des vignobles Lorgeril, a été élue à la présidence du Conseil Interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL), pour trois ans. Elle représente la famille du négoce. Explications.
Vous venez d’être élue au CIVL pour représenter la grande famille du négoce, selon la règle de l’alternance. De quoi s’agit-il ?
Tous les trois ans, le CIVL procède à l’élection d’un président qui représente tantôt le négoce, tantôt la production. Je succède ainsi à Xavier de Volontat, président sortant et ambassadeur des producteurs. Issue du négoce, j’apporte un regard différent et complémentaire à celui de la production. C’est d’ailleurs pour cela qu’une alternance a été mise en place au sein du CIVL ; l’objectif étant d’alterner les positions et les sensibilités. Un président issu de la production aura en effet plus de ressenti concernant le terrain tandis qu’un autre, issu du négoce, aura une connaissance plus approfondie des marchés et de la distribution.
Ce regard croisé se fait-il simplement, alors que l’on oppose régulièrement les producteurs aux négociants ?
Il est pour moi assez facile d’être convergente avec la production car je suis moi-même productrice et négociante. Aujourd’hui, d’ailleurs, la plupart des négociants sont également producteurs et particulièrement investis dans le vignoble. C’est un phénomène très fort en Languedoc. Ils ne se contentent plus d’être de simples marchands malgré toute la noblesse qu’il peut y avoir dans ce métier- là. Ils sont désormais à la fois marchands et vignerons car ils ressentent le besoin d’exprimer et d’optimiser au mieux les terroirs tout en affirmant leurs convictions.
Comment expliquez-vous cette évolution du métier de négociant ?
Le vin est de plus en plus perçu comme un produit fini, accompli. Il y existe un vrai besoin d’en comprendre le process, y compris, et surtout la dimension subliminale. Car un vin, c’est avant tout l’expression d’un terroir et d’un savoir-faire.Les négociants passionnés, défendent eux-mêmes cette nouvelle approche et se laissent peu à peu gagner par le désir de revenir à la terre. Aujourd’hui, nous sommes donc complètement sortis de la logique d’opposition entre producteurs et négociants car aucune maison de négoce ne peut être détachée des réalités du terrain.
La particularité du négoce, c’est aussi ce patchwork de petites et grandes maisons. Comment parviennent-elles toutes à travailler ensemble ?
En Languedoc il y a effectivement des maisons de négoce de toutes les tailles. Celles-ci sont toutefois extrêmement complémentaires car elles s’adressent à des profils de consommateurs différents. Certains vont faire leurs achats de vin en supermarché, tandis que d’autres privilégient les cavistes ou se déplacent directement chez le producteur… En outre, certains entrepreneurs ont envie de travailler à petite échelle sur des circuits courts tandis que d’autres ont envie de grandir, notamment à travers l’export ou la grande distribution. Pour ma part, je fais partie des négociants qui n’ont pas le désir de rentrer dans une dynamique industrielle. Je souhaite rester sur un positionnement d’excellence, qualifié de « premium ». Le développement et l’essor d’une maison de négoce est donc intimement lié à l’histoire et aux désirs de chacun, voilà pourquoi il ne faut pas les opposer.
Quels sont les enjeux pour ces maisons de négoce, en termes d’environnement ?
L’ensemble de la démarche environnementale est très importante pour les maisons de négoce mais également pour les producteurs qui se tournent de plus en plus vers le bio, la biodynamie et vers la labellisation « haute valeur environnementale ». C’est d’ailleurs une sensibilité très forte en Languedoc. Nous sommes leader de ces démarches-là sur les AOC et les IGP. Cette dynamique est largement soutenue par les négociants qui représentent la voix des consommateurs. Certaines maisons de négoce mettent d’ailleurs en place des contrats de parrainage pour encourager les producteurs à se convertir au bio. Il y en a même qui payent plus cher les vignerons alors qu’ils ne sont pas encore officiellement certifiés bio. Elles prennent en charge ce surcoût pour les aider à passer le cap. C’est un élément très structurant et très positif pour la filière.